Sur l’identité : Mélenchon, l’anti-Zemmour !
Lors de son interview “Face à BFM” le 25 novembre, Jean-Luc Mélenchon a longuement été interrogé sur sa vision de l’identité française. Il a développé un discours républicain, en opposition totale avec l’idéologie de l’extrême-droite et son projet de société, aujourd’hui souvent rejoint par la droite, avec laquelle le terrain d’entente semble de plus en plus vaste à chaque débat de la primaire républicaine.
La créolisation, un fait de société
La créolisation, le concept d’Édouard Glissant, poète et philosophe martiniquais, a longuement été développée par Jean-Luc Mélenchon : pas un projet politique, mais une dynamique de société, qui conduit ceux qui vivent ensemble à faire émerger l’inattendu, celui du processus de création d’un commun nouveau quand se rencontrent des gens d’origines culturelles et sociales différentes.
Quand les candidats et candidates d’extrême-droite voudraient lutter contre ce phénomène, pour défendre leur vision — d’aucuns diraient leur fantasme — d’une culture française « authentique » qu’il faudrait protéger de toute forme d’influence, y compris intérieure, Jean-Luc Mélenchon rappelle que la construction française est née de cette créolisation : il en revient même aux Gallo-romains, issus du croisement entre différents peuples de cultures et traditions différentes.
Pour le député des Bouches-du-Rhône, cette créolisation n’est pas une faiblesse, mais une réalité sociale, qui fait aussi la richesse de la France. Une richesse qu’il appelle à renforcer, non en imposant une supposée culture commune, mais en renforçant les moyens de l’école pour permettre à chaque enfant, notamment aux primo-arrivants, d’apprendre le Français et de rencontrer.
C’est ainsi que l’on peut comprendre le phénomène “iconoclaste”, de contestation de certaines statues. Jean-Luc Mélenchon a appelé à garder son calme : de tout temps, chaque époque a questionné son rapport à l’histoire et a réfléchi aux modèles que l’on voulait afficher dans les rues. Des milliers de statues ont été construites, déboulonnées, fondues ou rétablies dans notre pays aux XIXe et XXe siècles. Cela n’a rien de nouveau et des centaines d’associations mémorielles défendent ou critiquent des statues : elles font ainsi vivre la démocratie en favorisant une réflexion sociale sur nos usages de l’histoire et les parties de notre histoire collective que l’on souhaite célébrer.
Être française ou français
Qu’est-ce qu’être français ? Pour le passionné de philosophie Jean-Luc Mélenchon, la réponse est claire : c’est être républicain. Pour lui, c’est l’adhésion aux principes de la République — liberté, égalité, fraternité — qui fait un Français.
Là où l’extrême droite définit la France comme une identité figée, pour Jean-Luc Mélenchon, c’est avant tout un projet politique, un projet de société qui définit le peuple : quelle que soit son origine, sa culture ou sa religion. Ce qui unit le peuple français dans ses différences, c’est la loi de la République, dit-il : chacune et chacun est libre d’y vivre sa culture et ses traditions, dans le cadre des lois de la République.
Partisan de toujours de la laïcité, le leader des insoumis rappelle qu’elle n’est pas pour lui un athéisme d’État ou la suprématie d’une religion « historique » sur une autre, mais bien plutôt la séparation des Églises et de l’État. Il réaffirme d’ailleurs la proposition de son programme, l’Avenir en commun, d’abroger le concordat d’Alsace-Moselle.
Jean-Luc Mélenchon, qui a choisi d’affronter Éric Zemmour et Marine Le Pen sans détours, dénonce leur projet qui voudrait faire de l’identité un projet politique : il dénonce une chimère, qui monte les individus les uns contre les autres, quand le vivre ensemble est pour lui la la condition nécessaire à la réalisation des défis qui se présentent.
L’universalisme des droits : un horizon
Le candidat de la France insoumise a réaffirmé son attachement sans faille au modèle universaliste et son combat du communautarisme, qui vise à donner des droits particuliers à des groupes qui se constituent en dehors du cadre républicain. Pas un universalisme abstrait, mais plutôt un universalisme des droits : l’universalisme qu’il défend est ainsi un idéal à atteindre, un universalisme des droits et non des cultures ou des traditions.
Il réaffirme à cette occasion sa volonté d’abroger la loi “séparatisme” qui stigmatise les musulmans et contre laquelle le groupe parlementaire avait déjà lutté vigoureusement lors des débats à l’Assemblée Nationale.
Alors que de plusieurs candidates et candidats s’engouffrent derrière Eric Zemmour pour réclamer un durcissement sur les questions d’immigration, rivalisant d’ambitions pour “mettre dehors” des personnes qu’ils ne considèrent pas légitimes sur le territoire, le candidat de l’Union populaire a dénoncé une fiction démagogique, loin de toute réalité. Il soutient plutôt la modification des conditions de naturalisation, afin de faire sortir de la clandestinité des individus qui travaillent et vivent déjà en France, et dont les enfants eux-mêmes sont éduqués à l’école de la République.
Sur “Face à BFM” ce soir, le parti pris de Jean-Luc Mélenchon était clair : incarner l’anti-Zemmour.