Mélenchon, le candidat de la justice fiscale
Le pouvoir d’achat continue d’être la préoccupation principale des Français, loin devant les questions d’identité ou de religion pourtant omniprésentes dans le débat public. À l’appel de quatre syndicats, plus de 150 000 personnes se sont mobilisées aujourd’hui dans tout le pays, pour exiger des hausses de salaires. Car depuis un an, les prix explosent et de nombreuses familles doivent choisir entre manger et se chauffer.
Mais la misère ne concerne pas tout le monde. Oxfam vient de sortir un nouveau rapport qui montre que les milliardaires Français ont accumulé 236 milliards d’euros supplémentaires, en 19 mois de crise sanitaire. Avec cette somme, on aurait pu distribuer une aide de 3500 euros à chaque citoyen.
Ce soir dans Face à Baba, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé cette société de privilèges insupportables et proposé de rétablir la justice fiscale en transformant complètement notre système d’imposition. Voilà ses propositions.
Le candidat de l’Union populaire a défendu la fin des cadeaux fiscaux aux ultra riches et aux grandes entreprises. Emmanuel Macron, la droite et l’extrême droite dont Éric Zemmour persistent à proposer de nouveaux cadeaux fiscaux, comme le demande d’ailleurs le Medef : il promet 40 milliards de baisse d’impôt pour les entreprises. Il s’inscrit dans la continuité d’Emmanuel Macron et sa théorie du ruissellement. Pourtant, selon le rapport d’évaluation du Sénat, la fin de l’ISF et la création de la “flat tax” a permis aux 350 000 Français les plus riches de gagner près de 3,5 milliards d’euros, soit 10 000 euros par foyer. Selon l’Institut des Politiques Publiques, la baisse de l’impôt sur les sociétés, elle, a couté 52,5 milliards d’euros, dont l’essentiel a profité aux grandes entreprises, et sans que ce cadeau ait le moindre effet sur l’emploi. Même France Stratégie, organisme rattaché au Premier ministre, est obligé de constater que la théorie du ruissellement ne résiste pas à l’épreuve des faits : selon ses estimations, le CICE n’a créé que 100 000 emplois en 5 ans. Quant à la fin de l’ISF et l’instauration de la “flat tax”, France Stratégie conclut qu’il n’y a pas “d’effet réels de ces réformes” autrement dit qu’aucun euro ne s’est retrouvé ni dans l’investissement ni en emploi.
Dans Face à Baba, Jean-Luc Mélenchon a commencé par battre en brèche l’idée selon laquelle la France serait un enfer fiscal. Contrairement à ce qui a été affirmé sur le plateau, la France est loin d’être le pays qui taxe le plus dans le monde : selon l’OCDE, l’impôt sur le revenu en France pèse 9,4 % du PIB, nous plaçant derrière 7 pays de l’OCDE. Même chose pour l’impôt sur les sociétés puisque nous sommes en dessous de la moyenne de l’OCDE. Ensuite, si la France a un haut taux dit de “prélèvements obligatoires”, c’est en raison du poids des cotisations sociales qui permettent de financer l’hôpital, le chômage, les retraites, bref d’avoir une sécurité sociale plutôt qu’un système à l’américaine. Jean-Luc Mélenchon a également rappelé que les recettes fiscales de l’État font les bénéfices des entreprises. D’abord car elles permettent de financer des services publics essentiels à la production : des réseaux de transports et de télécoms, des infrastructures énergétiques. Mais aussi car elles se retrouvent dans la commande publique dont bénéficient la plupart des entreprises françaises.
Plutôt que des baisses d’impôts tous azimuts, Jean-Luc Mélenchon propose d’abord une mesure d’urgence : taxer ceux qui se sont enrichis pendant la crise pour financer des mesures face à la crise qui perdure. Ensuite, rétablir la progressivité de l’impôt, en modifiant son barème pour avoir 14 tranches et imposer chacun en fonction de ces moyens. Avec une telle mesure, toutes les personnes gagnant moins de 4 000 euros par mois paieront moins d’impôt. Il rétablira et renforcera l’ISF qui ne concernent que les très riches. Enfin, concernant les entreprises, Jean-Luc Mélenchon propose de moduler l’impôt sur les sociétés en fonction de l’usage que les entreprises font de leur bénéfice. Si elles versent tout en dividendes, leur impôt sera modulé à la hausse. À l’inverse, si elles privilégient plutôt l’investissement, leur impôt sera modulé à la baisse. Le barème sera aussi progressif : plus une entreprise réalise de bénéfices, plus le taux auquel elle est imposée augmente, pour instaurer une égalité devant l’impôt entre petites et grandes entreprises.
Le sujet de l’héritage a émergé dans la campagne présidentielle. Macron, Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour veulent faciliter les transmissions familiales et l’héritage. Ce serait la réponse à la précarité grandissante des jeunes, exacerbée par la pandémie. En réalité, un couple avec deux enfants peut déjà transmettre 1,6 million d’euros sans verser un seul centime au fisc. Le Conseil d’Analyse Économique, rattaché au Premier ministre, constate dans un récent rapport que le top 1% des héritiers “peut désormais obtenir, par une simple vie de rentier, un niveau de vie supérieur à celui du top 1 % des travailleurs”. Le sujet n’est donc pas la difficulté à transmettre, mais bien les inégalités de patrimoine qui sont abyssales. Les 10 % les plus riches ont un patrimoine 211 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Ce qui fait que 80 % des ménages ne recevront aucune donation au cours de leur vie, et qu’une personne sur deux ne touchera aucun héritage.
Face à cette société d’héritiers et d’inégalités qui se profile, Jean-Luc Mélenchon a proposé une mesure simple dans Face à Baba : au-delà de 12 millions d’euros en héritage, l’État donne tout aux jeunes. 12 millions d’héritage, c’est 100 fois le patrimoine médian. Cela ne concerne que 0,01 % de la population. Cette mesure permet de dégager les moyens nécessaires au financement d’une allocation de 1 063 euros pour les jeunes détachés du foyer fiscal des parents, donc indépendamment du revenu des parents. L’objectif d’une telle allocation est de permettre à chaque jeune de se de pouvoir se loger et se nourrir correctement et de se concentrer sur ses études, sans cumuler un ou plusieurs petits boulots.
À la question de savoir si les riches ne vont tout simplement pas fuir le pays, Jean-Luc Mélenchon répond qu’il est peu probable que les entreprises se détournent d’un pays à la main d’oeuvre hautement qualifiée et productive, aux infrastructures de qualité, aux débouchés commerciaux importants et surtout, au projet économique clair à savoir la bifurcation écologique et solidaire. Il a souligné que même le président du Medef appelle désormais cette “planification écologique” de ces voeux, tant l’incertitude est une menace pour les entreprises. Cependant, si certains très riches étaient tentés de s’expatrier, Jean-Luc Mélenchon compte leur appliquer un impôt universel, sur le modèle de ce que pratiquent déjà les États-Unis : peu importe où ils vivent, dès lors qu’ils paient moins d’impôt qu’ils auraient dû payer en France, les ultra riches devront payer la différence à la France. Quant aux entreprises qui délocaliseraient leurs profits, elles seront également soumises à un impôt universel si elles veulent continuer à pouvoir venir et vendre en France.